mercredi 20 février 2013

« Je n’étais pas au courant qu’on pouvait démissionner d’être Dieu »

par Marie-Hélène Lapointe

La réaction d’un étudiant reflète le malaise et la confusion générale face à l’annonce du Pape Benoit XVI qu’il quittera son poste le 28 février en raison de son âge et de l’état de sa santé.

Malgré que ce soit la première fois que cela arrive depuis le moyen âge, cette décision et, surtout, la réaction qu’elle a provoquée sont indicatives de l’attitude de note génération. Malgré que le catholicisme compte 1,1 milliard de croyants, il y a de plus en plus de gens qui se considèrent des catholiques « culturels », qui pratiquent les traditions de la religion pour des raisons autres que la foi.

La religion et l’identité culturelle ont été fortement liées jusqu’à tout récemment. Chez les Canadiens-français, le catholicisme était un composant essentiel de l’identité collective jusqu’à la Révolution tranquille dans les années 1960, lorsqu’il a eu un mouvement politique de créer des institutions scolaires et hospitalières laïques. De nos jours, les écoles catholiques publiques existent seulement dans sept des treize provinces et territoires du Canada. Le résultat est une génération perdue qui est au courant des traditions et des idées de la religion de leurs parents, mais qui n’y appartiennent pas.

Là est l’origine du malaise de la population face à cette annonce. En plus des problèmes identitaires, cette génération de « catholiques culturels » a été témoin d’une quasi-décennie turbulente pour l’Église catholique. Joseph Ratzinger, le nom de naissance du pape Benedict XVI, est un traditionaliste. Il s’est prononcé contre l’idée de la distribution de condoms pour le contrôle de l’épidémie du VIH, la pilule contraceptive et l’avortement, ce qui est en conflit avec les valeurs populaires d’une majorité des jeunes. L’enjeu le plus important et le plus dévastateur pour l’image publique du Vatican est sans doute les cas d’agression sexuelle dans l’institution catholique. Depuis le début des années 2000, plusieurs victimes d’agression sexuelle par des membres du clergé ont mené des poursuites judiciaires contre l’Église. Ces poursuites ont fait fureur dans les médias. Ratzinger a eu la malchance de prendre sa position en 2005, alors que l’enjeu atteignait un niveau de scandale énorme. Malgré avoir tenté d’adresser le problème en offrant des excuses au nom de l’Église et en créant un conseil spécialisé pour en apprendre plus sur la situation, il a été critiqué de n’avoir pris assez d’action.

Il y a un confort dans ce malaise. En se jugeant incapable de remplir ses fonctions en raison de sa santé, le Pape a démontré son caractère humain. À un niveau, il a réalisé qu’il ne pouvait pas répondre aux besoins de la génération d’aujourd’hui. Si 2012 a été une année de fin du monde, de l’apocalypse, 2013 est celle de la renaissance. Les années 2000 ont été marquées jusqu’à maintenant par un questionnement et d’un désenchantement constant. La guerre en Iraq en a enragé plusieurs; la révolution digitale nous a rendus frustrés contre les aînés qui sont incapables d’y participer, et aussi en nous donnant plus d’information qu’on est capable d’utiliser de façon responsable. Cette résignation signifie une certaine reconnaissance que la vieille génération n’est plus capable de satisfaire nos besoins. On devrait ressentir un petit soulagement plutôt qu’une appréhension. Les choses commencent à changer. On commence à les changer. Que la paix soit avec nous.

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