mercredi 8 février 2012

Une table ronde sur l’intégration des immigrants qui s’annonce constructive

par Mathieu Plourde Turcotte

Le jeudi 9 février à 16 h 30 aura lieu, dans le cadre des festivités de la Semaine internationale, une table ronde d’intervenants de la ville et de l’université discutant des principaux dossiers touchant à l’immigration. Seront présents Marie-Linda Lord, vice-rectrice aux affaires étudiantes et internationales de l’Université de Moncton; Ben Champoux, Développement des affaires communautaires à la ville de Moncton; le professeur de l’Université de Moncton Chedly Belkhodja; Michèle Vatz-Laaroussi, de l’Université de Sherbrooke; Mohamed Ali Mhalla, propriétaire du marché-restaurant Blue Olive; et Benoît André, directeur général du Centre d’accueil et d’accompagnement des immigrants du Sud-Est du Nouveau-Brunswick. Marie-Linda Lord et Benoit André ont bien voulu livrer quelques commentaires pour le Front, question de préparer la table pour qu’elle soit bien apprêtée et donc véritablement ronde…

L’augmentation de la quantité d’immigrants améliore leur intégration
D’entrée de jeu, les deux intervenants tiennent à faire la distinction entre l’immigrant étudiant et l’immigrant qui s’apprête directement à entrer sur le marché du travail. Le premier, dit Benoit André, a l’opportunité, contrairement à celui sans diplôme canadien, d’entrer en contact avec un réseautage important au sein de la communauté et qui pourra lui être utile dans une carrière future. Benoit André et Marie Linda Lord disent de l’étudiant international qu’il est l’immigrant idéal puisqu’il arrive sur le marché du travail plus intégré à la société. Toutefois, ajoute Benoit André, le campus est une bulle qui isole de ce qu’est la vie courante. Il admet que la vie en communauté de personnes du même pays – ce qui se produit presque inévitablement – a ses désavantages, car ce n’est pas vraiment vivre à Moncton que de toujours rester sur le campus avec les étudiants de mêmes nationalités. Pourtant, étant donné qu’il a été observé que l’augmentation de la quantité d’immigrants améliore l’intégration, il y a plus d’avantages que de désavantages à ce qu’il y ait des communautés de ce type. Benoit André explique que si les immigrants se plaisent – et c’est souvent le cas lorsque leur séjour est accompagné par beaucoup de gens de leur nationalité – il y a plus de chance qu’ils rallongent leur séjour dans la ville et qu’ainsi, un jour, la curiosité les pousse à sortir de la bulle universitaire, ou de leur propre communauté, pour devenir de véritables citoyens intégrés à l’ensemble de Moncton. Par le passé, ajoute-t-il, il y avait alors beaucoup moins d’étudiants internationaux et d’immigrants, et donc l’intégration s’avérait souvent plus compliquée puisque les immigrants se retrouvant souvent seuls ou peu nombreux de leur nationalité, et la peur et l’incompréhension de l’étranger chez la population locale due à la méconnaissance très naturelle, puisque l’hétérogénéité des cultures était de par ce fait rare, pouvait se traduire chez l’immigrant en ennui et en volonté de retourner dans son pays natal et/ou dans une autre ville en Amérique. Bref, le nombre attire le nombre et c’est pour cette raison, explique Benoit André, que Montréal – endroit précurseur dans la francophonie nord-américaine en termes d’immigration – est aussi attirante pour les immigrants.

Le détail des raisons de la venue des immigrants à Moncton
Parmi les deux catégories de nouveaux arrivants, étudiants internationaux et immigrants embarquant directement sur le marché du travail, les raisons de leurs venues respectives sont somme toute différentes. D’un côté, les étudiants internationaux ont tendance à choisir Moncton pour trois raisons. D’abord, Moncton est une ville d’assez grande taille, sans que ce soit démesuré, surtout qu’une partie des immigrants, ajoute Marie-Linda Lord, proviennent d’un milieu rural et ne souhaitent donc pas ajouter l’adaptation à la vie de grande métropole à l’inévitable intégration à une nouvelle culture. Moncton est aussi une ville rassurante et sécuritaire en opposition aux métropoles nord-américaines possédant un taux élevé de criminalité. Finalement, le bilinguisme de la ville – ce dernier expliquant la venue des deux types d’immigrants qui viennent dans l’espoir que l’apprentissage de l’anglais leur soit accessible. Les immigrants qui ne sont pas étudiants ont plus tendance à venir pour le coût de la vie peu élevé et donc pour la qualité de vie. À ce titre, Benoit André utilise son expérience personnelle comme appui. Né en Belgique, il avait d’abord immigré en Colombie-Britannique pour se rendre compte que le français absent, ainsi que le coût élevé de la vie, était assez repoussant. L’autre facteur qui rend d’abord le diplôme d’une université canadienne parfois très attrayant, et d’autre part qui décide de la venue d’immigrant, est la reconnaissance des diplômes. Les études dans les universités canadiennes sont d’autant plus attrayantes qu’un permis de travail est accessible durant les études. C’est certes une des manières que le gouvernement a trouvé pour que les étudiants internationaux restent au Nouveau-Brunswick.

Marie-Linda Lord renchérit dans le même sens en mettant beaucoup l’accent sur la rétention des étudiants internationaux puisque, dit-elle, la principale difficulté n’est pas de les attirer à l’Université de Moncton, mais bien de les garder dans la région pour la suite de leur carrière. Non pas que le retour vers leur pays soit négatif, affirme-t-elle, car ils vont souvent faire rayonner l’Acadie à l’extérieur de cette manière, donnant peut-être une image telle que certains autres étudiants vont ensuite vouloir venir étudier à Moncton, mais c’est tout de même de la main-d'œuvre qualifiée en moins. Attirer les étudiants internationaux à Moncton est somme toute devenu une tâche moins difficile; tellement moins difficile que l’Université de Moncton se permet d’exiger un rendement académique plus élevé. Selon madame Lord et une étude à l’appui, plus le rendement académique est élevé, mieux les étudiants s’adaptent à l’environnement dans lequel ils émigrent.

Un quota d’immigrants francophones est demandé pour le Nouveau-Brunswick
Madame Lord aimerait que le Nouveau-Brunswick prenne en exemple la politique d’immigration manitobaine qui impose un quota d’immigrants francophones dans la province. L’exemple est d’autant plus applicable puisque, ajoute Marie-Linda Lord, le Manitoba est la province – parmi les deux provinces qui imposent cette manière de faire – qui ressemble le plus, en termes de population et de situation minoritaire francophone, au Nouveau-Brunswick. Lorsque questionnée sur ce que l’élite anglophone de la province a à gagner dans la mise en place d’une telle structure pour les francophones, Marie-Linda Lord hésite pour finalement lancer : « Avoir des immigrants francophones qui viennent habiter ou étudier ici, c’est une façon de créer des contacts à l’étranger. Dans le monde, il n’y a pas que le b.r.i.c. (Brésil, Russie, Inde, Chine) qui est intéressant sur le plan des affaires. Les occasions de partenariats d’affaires avec un grand nombre de pays francophones sont aussi intéressantes et ne sont pas à dédaigner. »

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