mercredi 1 février 2012

Les Métis dans l’Acadie coloniale : un nouveau regard

par Rémi Frenette

Dimanche dernier, Denis Jean, étudiant à la maîtrise en histoire, présentait à l’édifice Jean-Cadieux un survol de sa thèse intitulée « Genèse, migrations et identité chez la population d’ascendance mixte du MI’GMA’GI ». La soutenance de la thèse a eu lieu jeudi dernier au pavillon Jeanne-de-Valois. La présentation de dimanche se voulait un complément à celle présentée par Victorin Mallet le 20 février 2011, intitulée « Racines amérindiennes dans les familles acadiennes. »

« Dans l’histoire coloniale de l’Acadie, on a une certaine image canonique du sort des colons et des gens ordinaires et je pense que la contribution que monsieur Jean a fait, c’est de nous apprendre qu’on a la présence d’un groupe métissé qui avait un autre avis ou une expérience distincte du reste [des groupes ethniques en présence], » affirme Gregory Kennedy, professeur d’histoire acadienne à l’Université de Moncton et directeur de la thèse.

Comme l’a souligné Jean dans le cadre de sa présentation, très peu de recherches jusqu’à présent portent sur cette question historique qui rejoint à la fois les cultures acadienne, mi’gmaw et métisse. Les Métis sont « entre les deux et parmi les deux », affirme le conférencier en parlant des peuples français et autochtones.

Centrale à l’étude est la question de savoir s’il existait, de 1603 à 1763, une culture et une identité métisse dans la région de la Gaspésie jusqu’en Nouvelle-Écosse, en passant par le littoral Atlantique du Nouveau-Brunswick, l’Île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) et l’Île Royale (Cap-Breton). Les résultats de la thèse suggèrent l’affirmative.

« Avec les stratégies de migration, avec le mode de vie, ces approches que Denis a essayé de faire, c’est possible de voir pour certaines familles ou certains individus un point de vue ou un esprit plus ou moins collectif. Et donc c’est pourquoi il parle d’une genèse ou d’une ethnogenèse d’une communauté, » explique Kennedy.

Toutefois, vu la rareté des études universitaires traitant du métissage dans l’Acadie coloniale, ces résultats doivent être vérifiés et nuancés plus profondément. Le professeur d’histoire acadienne rappelle l’importance de cette précaution scientifique :

« Est-ce qu’on peut dire qu’on a une communauté métisse historique ? Est-ce que cette communauté était en train de se former lorsque le Grand Dérangement est arrivé ? C’est toujours subjectif, l’interprétation. Donc il faut que l’on avance et qu’on nuance notre interprétation de la société coloniale acadienne. »

Outre son utilité pour élargir la compréhension historique des groupes ethniques en Acadie, cette étude comporte son pesant de pertinence pour appréhender le présent. Comme le souligne Kennedy, il est toujours intéressant « pour tout groupe minoritaire de voir que des recherches et des gens sont intéressées à leur histoire ». Ces groupes peuvent élargir les bases de leur identité collective par le biais de l’histoire.

Mais il ne s’agit pas que de cela. Depuis quelques années au Canada, des groupes et individus revendiquent la reconnaissance de certains droits fondés sur l’identité métisse. Le directeur de la thèse prend bien soin de clarifier cette question :

« C’est sûr qu’on a une situation actuelle qui implique différents groupes métis qui sont en train de valoriser leurs droits historiques. Et Denis Jean a été très conscient et très explicite que l’intention et le but principal [de l’étude], ce n’est pas de faire un dossier juridique. C’est une étude d’histoire. Cela dit, c’est sûr que ses recherches vont intéresser des gens qui veulent en savoir plus sur la période coloniale. Mais j’aimerais être clair que l’intention principale n’est pas d’intervenir dans un procès juridique. On est intéressés à savoir : ‘Qu’est-ce qu’on peut savoir sur les Métis en communautés historiques?’ »

Cette thèse ne constitue pas le premier contact entre Denis Jean et la recherche portant sur les Métis. En 2007, dans un colloque à l’Université Laval intitulé « Décliner l’identité métisse ou variations sur le métissage et l’autochtonité », il présentait sous le thème « La généalogie et la question métisse ». Il a aussi collaboré avec Denis Gagnon, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’identité métisse. Cette Chaire, qui regroupe de nombreuses études portant sur différents aspects des cultures métisses, en est à son deuxième et dernier mandat de cinq ans depuis avril 2010.

Denis Jean n’a pas voulu répondre aux questions du Front. Il préfère ne pas se prononcer auprès des médias tant que le processus d’évaluation finale de sa thèse n’est pas terminé.

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