mercredi 9 novembre 2011

Le commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick dépose son rapport annuel

par Rémi Frenette

Le commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, Michel Carrier, a tout récemment publié son rapport pour l’année 2010-2011. Parmi les dossiers principaux, il adresse l’immigration, les garderies éducatives et la révision de la Loi sur les langues officielles (LLO).

Immigration
Le commissaire propose au gouvernement d’élaborer une stratégie à long terme pour favoriser l’accueil et l’intégration d’immigrants francophones et allophones. Carrier estime aussi que le gouvernement doit se munir d’une politique officielle et de lignes directrices afin que l’immigration favorise d’une manière égale les deux communautés linguistiques.

Le rapport pose l’immigration comme une stratégie mise de l’avant pour contrer le déclin et le vieillissement de la population du N.-B. Il précise que les nouveaux venus ont un impact important sur la vitalité des deux communautés linguistiques officielles, d’où l’importance de la mise en œuvre d’un plan de gestion en matière de langue.

Garderies éducatives
Le dossier des garderies vise à rectifier la Loi sur les garderies éducatives de 2010. Celle-ci a permis de créer un curriculum éducatif pour chaque communauté linguistique. Cependant, elle autorise aussi l’emploi des deux curriculums dans une même garderie, ouvrant ainsi la voie aux garderies bilingues.

Le rapport suggère au gouvernement provincial d’instaurer un système de dualité dans les garderies comme on l’a actuellement en éducation. Même si ce sont des établissements privés, Carrier estime que « la logique qui permet au gouvernement de règlementer les services de garde devrait également l’obliger à interdire les garderies bilingues. » (Rapport 2010-2011, p. 12)

Il rappelle que « des milieux bilingues sont souvent assimilateurs pour les membres d’une communauté minoritaire » (Rapport 2010-2011, p. 11) et que cela soulève de sérieux défis en matière de francisation. En effet, plusieurs francophones entament leur parcours scolaire avec une connaissance insuffisante de leur langue d’apprentissage. Les mariages exogames, la vie en milieu minoritaire et le manque de garderies francophones en seraient des principales causes.

Révision de la Loi sur les langues officielles
La révision de la LLO aura lieu en 2012. Le rapport du commissaire aux langues officielles entrevoit cette révision comme une opportunité de « concrétiser pleinement le principe d’égalité des deux langues officielles et des deux communautés linguistiques » (Rapport 2010-2011, p. 13) de la province.

Michel Carrier entrevoit quatre points de révision : la portée de la loi, son application, les pouvoirs et le travail du commissaire aux langues officielles et l’aménagement des deux langues. Ces thèmes se subdivisent dans une douzaine d’objectifs plus précis. Carrier touche notamment à la langue de travail et d’affichage du gouvernement, la clarification de la LLO pour éviter les ambiguïtés, la création de comités sur les langues officielles et l’augmentation des pouvoirs du commissaire aux langues officielles au même niveau que ceux de l’ombudsman du N.-B.

Carrier exprime des inquiétudes quant à la mise en œuvre de la LLO et à l’application de ses recommandations. Il souligne que le gouvernement Alward se montre très réceptif mais qu’il tarde à agir de façon proactive. La révision de 2012 sera donc une chance en or pour faire avancer le dossier, l’objectif étant de progresser vers l’égalité réelle – et pas seulement formelle – entre l’anglais et le français.

Des défenseurs du fait français se prononcent
Le Front s’est entretenu avec Jean-Marie Nadeau, président de la Société des acadiens du Nouveau-Brunswick (SANB) et chroniqueur à L’Étoile, à propos du climat linguistique de la province. Ce dernier estime que le rapport de Michel Carrier démontre une excellente compréhension des enjeux linguistiques de la communauté acadienne. Il est également optimiste face à la révision de la LLO :

« Je ne peux pas croire qu’on va réviser pour régresser. On souhaite que le gouvernement va épouser les demandes de la communauté acadienne et les recommandations du commissaire aux langues officielles. »

Il déplore cependant que le premier ministre David Alward ait supporté la nomination récente de Michael Ferguson au poste de vérificateur général du Canada. Ancien vérificateur général et dernier sous-ministre des finances du N.-B., Ferguson est unilingue anglophone après plus d’une décennie en politique néo-brunswickoise. Le N.-B. étant la seule province officiellement bilingue, Nadeau estime qu’Alward aurait dû contester la nomination :

« Alward va peut-être s’apercevoir que trop s’accoter sur son grand frère fédéral Stephen Harper, ce grand délinquant linguistique, ça va finir par lui faire du tort sur le plan domestique. »

Serge Rousselle, professeur de droit constitutionnel à l'Université de Moncton et président de l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick, confia au Front que la dualité dans les garderies éducatives est une mesure nécessaire pour contrer l’assimilation. Il perçoit aussi la révision de la LLO comme une belle opportunité pour réduire l’écart existant entre francophones et anglophones :

« Espérons qu'elle nous permette d'obtenir les modifications qui s'imposent pour en arriver à l'égalité réelle des deux communautés linguistiques de langue officielle dans notre province ».

En entrevue téléphonique, Yvon Godin, député néo-démocrate de la circonscription d’Acadie-Bathurst et porte-parole officiel du NPD en matière de langues officielles, soutenait que le dossier des garderies est particulièrement important puisqu’il va de pair avec la dualité en éducation :

« C’est une excellente idée [la dualité dans les garderies]. Si on ne veut pas d’assimilation, c’est là que ça commence. C’est à la jeune enfance que c’est le plus important. »

Aucun commentaire: