mercredi 9 novembre 2011

Jean-François Bélanger de passage à Moncton

par Mathieu Plourde Turcotte

Le reporter de Radio-Canada à l’étranger Jean-François Bélanger était présent à Moncton, vendredi le 4 novembre dernier, pour une conférence organisée par l’association acadienne des journalistes. Jean-François Bélanger est un diplômé du programme d’information-communication de l’Université de Moncton. Lors de cette rencontre, il revenait de Lybie où il avait tourné divers reportages et, de ce fait, été correspondant pour une dizaine de jours. Il en a fait un des principaux sujets lors de ce qui se voulait une conférence plutôt du type « question-réponse », s’éloignant, plus la rencontre avançait, du cours magistral. Un peu du type verbomoteur, c'est-à-dire qu’il élaborait énormément à partir de toutes les questions, le principal intéressé, de par ses réponses, montrait une passion qui se propageait assez aisément sur le local 207, plein à craquer, du pavillon des arts. L’intérêt des personnes rassemblées a fait en sorte qu’il ait pu répondre à des questions spécifiques. Pour rendre compte de son emploi et de ces préoccupations, Jean-François Bélanger a utilisé ses expériences vécues en Afghanistan, en Algérie, en Bosnie, à Haïti et dans plusieurs autres pays partout à travers le monde.

Monsieur Bélanger a commencé par se présenter, pour ensuite discuter de la pertinence de son emploi de reporter à l’étranger dans la société actuelle où l’information, dit-il, « nous vient de partout ». Se soumettant au discours officiel de l’officier qui est au service de la population et qui paie de l’impôt, il raconte l’obligation d’excellence que les médias se doivent d’avoir, puisque, selon lui, la population, en plus de ne pas avoir les outils pour déchiffrer toute l’information disponible, s’écœure rapidement de voir des reportages erronés pour lesquels les informations n’ont pas été suffisamment vérifiées. Bélanger s’entretient sur le fait qu’il aurait toujours pu céder à la paresse et rester confortablement dans son bureau en utilisant des images d'autres médias et de gens qui filment en amateur, mais – et c’est là où est l’utilité du reporter à l’étranger qui se déplace sur le terrain – il dit qu’il faut sentir et expliquer les choses avec un regard de personne qui n’est pas de la place et qui n’a pas l’indifférence des gens qui, ayant toujours vécu à l’endroit, voient l’anecdote comme quelque chose qui n’a pas besoin d’explication ou qui ne veut plus être vue – exemple : la mort au quotidien – de par une protection innée chez l’humain envers sa propre santé mentale. Questionné sur le fait que certains médias sont plus lus ou écoutés en ne respectant pas les normes journalistiques et en tournant les coins de l’éthique rondement (question posée au lendemain de l’émission enquête traitant de l’empire Quebecor), Bélanger répond, en expliquant d’abord qu’il est mal à l’aise de parler du média rival, que « quand un journaliste tourne les coins ronds, c’est tout le monde qui paye. C’est en premier lieu les journalistes qui payent. Quand CNN paie des gens sur les lieux de l’événement pour avoir un commentaire, le journaliste qui passe en arrière va avoir plus de misère à tirer les vers du nez à la personne. Bref, ces comportements discutables finissent toujours par faire du tort, d’une manière ou d’une autre, aux gens ou à la profession ».

Bélanger explique aussi qu’il se soucie d’une chose qui guette tout reporter à l’étranger : la déconnexion vis-à-vis la population pour laquelle il livre le service. Le seul moyen qu’il voit de ne pas l’être trop, même après de nombreux mois, voire de nombreuses années, est d’aller dans le quotidien et les cas spécifiques de la population qu’il visite.

Les expériences marquantes
Haïti; le seul endroit où il dit avoir craqué et braillé à chaudes larmes sur place, pour une anecdote qu’il avoue assez banale : il avait réconforté une dame qui venait de voir sa maison s’effondrer en lui disant qu’elle allait s’en sortir, alors qu’il n’en croyait pas un mot. Un peu plus tard, il avait craqué. Tous les journalistes avaient fini, à un moment différent, par craquer …

En Mauritanie, il a fait un reportage qui a gagné le prix Judith Jasmin pour le meilleur reportage long de 2004 et qui traitait du gavage de jeunes femmes. Les critères de beauté n’étant visiblement pas les mêmes, le processus de gavage se déroulait à un jeune âge pour qu’elles engraissent et deviennent mariables. Selon une des personnes présentes dans la salle, rares ont été les personnes à pouvoir regarder le reportage sans se fermer les yeux. Qu’est-ce que ce devait être pour les journalistes sur place, demanda la même personne. Jean-François Bélanger a admis avoir eu autant de misère à regarder, mais qu’à titre de journaliste, il se crée une de distance avec ce qui se passe. De cette façon, il lui arrive de réagir plus fort en regardant son reportage des semaines ou des mois après l’avoir tourné. Il avance que c’est l’un des reportages qui a changé le plus les choses, car, dit-il, les autorités mauritaniennes, qui condamnaient passivement l’acte, en ont entendu parler et, sans doute par peur de mal paraitre sur la scène internationale, ont immédiatement réagi. De plus, il dit avoir remis une partie de la somme gagnée avec le prix dans le but de fonder une école en Mauritanie.

Jean-François Bélanger dit avoir toujours agi en écoutant son intuition et que cela lui a énormément servi. Sinon, ajoute-t-il avec candeur, « je serais peut-être mort ». Ensuite, il a vaguement fait référence au fait qu’une fois, en Afghanistan, il avait choisi de se déplacer dans un véhicule différent de ce qui était prévu et que celui prévu avait sauté. Continuant dans ce qui se sentait facilement comme de la passion vis-à-vis le métier, il a conclu en affirmant qu’il se sentait privilégié d’écrire l’histoire.

Pour voir la conférence au complet, qui a été enregistrée et mise sur internet, on peut se rendre à l’adresse suivante : http://www.ustream.tv/channel/acadie-journalisme.

Jean-François Bélanger sera du forum des correspondants sur les ondes de RDI à l’émission 24 heures en 60 minutes, le jeudi 10 novembre de 19 heures à 21 heures.

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